Vous avez récemment créé une entreprise et commencez à travailler régulièrement en tant que traducteur indépendant. La vie est belle : vos clients vous apprécient et vous récoltez enfin le fruit de vos efforts, bref, tout va bien, jusqu’à ce que vous attiriez l’attention des escrocs qui profitent de la numérisation et de la globalisation des services pour faire les poches aux traducteurs et autres travailleurs indépendants présents sur Internet. Pour mieux les démasquer et vous éviter de perdre du temps (ou pire de l’argent !) en tombant dans leurs filets, plus ou moins grossièrement tissés, je vous présente ici les tactiques qu’ils emploient communément et les mesures de bon sens à adopter pour vous protéger. 

Ceux qui volent votre travail

LE CLIENT FANTÔME 

Celui-là n’existe tout simplement pas. C’est une personne, ou une société, créée de toutes pièces en vue de solliciter vos services et d’obtenir une traduction qui ne sera jamais payée. Lorsque vous aurez accompli votre tâche et demanderez à être réglé, tout contact cessera séance tenante et vous serez incapable de joindre votre donneur d’ordre et encore moins de le contraindre à s’acquitter de ses obligations.

LE CLIENT DONT L’IDENTITÉ EST FRAUDULEUSEMENT UTILISÉE

Encore plus retors, certains escrocs n’hésitent pas à se présenter comme les représentants de sociétés légitimes, voire à se faire passer pour des employés de celle-ci afin de vous demander une traduction. Là encore, vous ne serez pas payé, puisque lorsque vous présenterez votre facture, personne n’aura connaissance de la moindre commande, ni même de votre existence !

COMMENT ÉVITER DE SE FAIRE AVOIR

  • N’acceptez JAMAIS de travailler pour une personne ou une société dont vous n’avez pas vérifié la légitimité : commencez par rechercher son nom, son adresse et sa présence en ligne au moyen d’un moteur de recherche. Pour aller plus loin, des outils mis à disposition par le Translator Scammers Directory permettent de confirmer la validité d’un numéro de téléphone, d’un compte bancaire, etc.
  • Plus rapide et plus efficace, vous pouvez souscrire à des services payants vous renseignant sur la réputation de vos clients potentiels : Payment Practices, ProZ Blue Board, etc.
  • Enfin, pour pouvoir justifier de toute commande passée, il vous faudra systématiquement obtenir un devis signé (une acceptation par e-mail a valeur de preuve, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont elle émane) ou un bon de commande émis par le donneur d’ordre ou un représentant officiel de celui-ci.

Ceux qui volent votre réputation

LE VOLEUR DE CV

L’usurpation d’identité de traducteurs est malheureusement de plus en plus répandue. L’idée est relativement simple et facilitée par la nature de notre métier : il suffit de copier intégralement votre CV, puis de modifier (ou non) votre nom et vos coordonnées pour proposer vos services à des milliers d’agences et d’entreprises dans le monde entier. Celles qui auront le malheur de faire confiance à votre double maléfique et lui confieront un texte recevront une traduction automatique de piètre qualité et, pour peu qu’elles ne la fassent pas immédiatement réviser, se verront envoyer une facture qu’elles paieront sans se douter de rien… jusqu’à ce que le charabia qu’elles ont acheté soit largement diffusé. Vous imaginez la suite : escroc injoignable, traducteur innocent vite trouvé sur Internet, coups de fil furieux, menaces de représailles, précieuse réputation sévèrement entachée, voire ruinée…

COMMENT ÉVITER DE SE FAIRE AVOIR

  • Le premier réflexe à avoir pour éviter d’être victime de ce type d’arnaque est d’éviter la diffusion de votre CV. Décrivez votre expérience professionnelle sur LinkedIn, sur le site de votre association professionnelle ou autre, mais ne permettez pas qu’il puisse être téléchargé.
  • Établissez votre présence en ligne en multipliant les profils sur les réseaux sociaux et indiquez très clairement vos coordonnées pour que chacun puisse vous trouver plus facilement et vérifier les informations vous concernant.
  • Si vous avez été victime d’un vol d’identité et que vous connaissez l’adresse utilisée par l’usurpateur, précisez sur vos profils en ligne que vous n’avez rien à voir avec la personne qui l’utilise et dénoncez-la sur des sites spécialisés comme le Translator Scammers Directory.

Ceux qui volent votre argent

QUAND IL FAUT PAYER POUR TRAVAILLER

À la fois simple et redoutablement efficace, cette pratique malhonnête consiste à vendre un service inutile. Nouvellement installés à leur compte, encore peu au fait des pratiques de leur profession et soucieux de décrocher leurs premiers contrats, des indépendants peuvent, en effet, aisément se laisser convaincre qu’il leur faut obtenir une certification, s’inscrire sur un portail, souscrire à un service de mise en relation ou acheter un outil révolutionnaire pour accéder à des clients ou décrocher des contrats qui, au mieux, seront loin d’être aussi fabuleux qu’espéré et, au pire, ne se matérialiseront jamais !

LE TROP-PAYÉ À REMBOURSER

Cette fraude très répandue consiste à appâter un traducteur en lui proposant un contrat de rêve (texte intéressant, délais confortables ET rémunération généreuse). S’il accepte de donner suite à cette offre alléchante, il reçoit alors un chèque (parfois d’un montant supérieur au montant de la prestation) qu’il dépose à la banque avant que l’escroc demande quelques jours plus tard à être remboursé (en général par Paypal, pour que le transfert de la somme s’effectue avant que son chèque soit, bien évidemment, déclaré sans provision).

LA FRAUDE 419 DITE « À LA NIGÉRIANE »

Grand classique de l’escroquerie, ce type d’escroquerie existait bien avant la naissance de l’Internet, mais son pouvoir de nuisance a été décuplé depuis. Son principe consiste à faire miroiter une commission sur une fabuleuse cagnotte (constituée de centaines de milliers, voire millions, de dollars en général bloqués dans un pays d’Afrique de l’Ouest, mais parfois aussi en Irak, en Iran, etc.) en échange du paiement de « menus » frais à avancer pour la récupérer. La cagnotte n’existe évidemment pas et les sommes avancées pour faciliter son transfert seront à jamais perdues.

COMMENT ÉVITER DE SE FAIRE AVOIR

  • Par principe, restez sur vos gardes : « si c’est trop beau pour être vrai, ça l’est probablement » nous dit la loi de Murphy.
  • Il convient de se montrer particulièrement vigilant dans ses relations avec des clients potentiels afin de repérer les escrocs. Parmi les détails qui doivent vous alerter, citons une mauvaise maîtrise de la langue du message reçu, un discours peu professionnel dans son contenu, des pratiques contraires aux usages comme l’acceptation immédiate d’un devis ou la proposition spontanée d’un paiement d’avance, des pressions pour vous faire prendre une décision rapidement et, dans une moindre mesure, une adresse de messagerie gratuite ou l’absence de signature professionnelle. Cette vigilance est d’ailleurs de mise pour tout nouveau contact avec un client potentiel, quel que soit le contexte.
  • Vérifiez toujours les informations dont vous disposez : entrez un paragraphe du texte qu’on vous propose de traduire dans un moteur de recherche et le nom de votre contact sur les forums de traducteurs afin de déterminer s’ils sont liés à des escroqueries.
  • N’acceptez pas les chèques de personnes ou d’entités que vous ne connaissez pas. Ce mode de paiement est très peu utilisé en dehors de la France, notamment parce qu’il sert fréquemment de support à différents types de fraudes. Par mesure de précaution, n’hésitez pas à demander un acompte ou un paiement d’avance (mais pas par chèque !).

Cette liste est malheureusement loin d’être exhaustive et les escrocs savent faire preuve de créativité. Restez donc vigilants et n’hésitez pas à partager votre expérience si vous avez été victime ou témoin de pratiques frauduleuses visant les traducteurs.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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