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Avant toute chose, je te prie de m’excuser, très fidèle lecteur, pour mon silence de ces derniers mois : j’ai été très occupée par un déménagement (encore !) et par un important projet réalisé en collaboration avec trois autres traducteurs. C’est d’ailleurs ce qui a inspiré le sujet de ce billet…

Même lorsqu’il est indépendant, un traducteur travaille rarement seul. Il fait appel à des collègues pour relire et réviser son travail, traduit parfois en équipe pour réaliser un gros projet, soustraite une partie de son activité, voire s’associe pour partager des coûts. Ces unions peuvent donner naissance à des opportunités fructueuses, mais parfois aussi se terminer devant un juge. Pour éviter les écueils du travail à plusieurs, voici quelques conseils pour organiser un partenariat à plus ou moins long terme.

Partenariat professionnel : collaboration et sous-traitance

Une collaboration entre deux traducteurs indépendants présente bien des avantages, notamment si vous souhaitez accepter de gros contrats ou offrir des services supplémentaires à vos clients (langues de travail, domaines de spécialisations, etc.).

Pour la mettre en œuvre, il suffit de trouver un collègue prêt à partager la charge de travail et la rémunération d’un de vos contrats, mais même si vous vous connaissez depuis l’enfance ou êtes les meilleurs amis du monde, mieux vaut formaliser votre relation, car, quelle que soit leur bonne volonté, deux personnes ne sont pas à l’abri d’avoir des points de vue divergents. Un contrat, c’est un peu comme une assurance : une fois mis en place, il est vite oublié jusqu’à ce qu’il devienne nécessaire et révèle alors toute son utilité !

Comme pour définir une prestation de service, un contrat de collaboration entre professionnels libéraux doit préciser les points suivants :

  • l’identité des parties
  • l’objet du contrat
  • les obligations des parties et la répartition des tâches
  • les modalités d’exécution
  • la rémunération et les modalités de paiement
  • la durée de la collaboration (déterminée ou indéterminée)
  • les conditions de résiliation et les éventuelles sanctions
  • le droit applicable et les procédures en cas de litige
  • toute autre clause (légale) jugée nécessaire : confidentialité, cas de force majeure, déontologie, obligation de moyens ou de résultat, etc.

Attention toutefois à préserver le statut d’indépendant de chacune des parties. En effet, si votre collègue travaille exclusivement pour vous, votre contrat pourrait être requalifié en tant que relation de travail subordonné avec pour conséquence l’application du droit du travail. La frontière entre travail indépendant et salariat étant parfois ténue, les contentieux en la matière sont fréquents et leurs conséquences juridiques et financières très lourdes. 

Si vous souhaitez rester le seul interlocuteur de votre client, vous pouvez aussi opter pour un contrat de sous-traitance par lequel vous vous engagez à payer un prestataire de service (un traducteur ou un réviseur par exemple) pour effectuer tout ou partie de la tâche qui vous a été confiée. Vous devenez alors un donneur d’ordre, ce qui vous impose, dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, de vérifier que votre sous-traitant s’acquitte du paiement de ses cotisations et contributions sociales. Pour cela, vous êtes tenu de lui demander une attestation délivrée par l’URSSAF ET de vous assurer de son authenticité auprès des services concernés.

Exercice conjoint

Si pour vous la collaboration est aussi essentielle à la qualité de votre travail qu’à votre santé mentale, vous pouvez faire le choix dès le début de votre activité, ou au bout d’un certain temps, de vous associer de façon permanente avec un ou plusieurs collègues et d’exercer conjointement dans le but de partager tout ou partie de vos frais et revenus. Dans ce cas, il faut créer une société qui peut se borner à faciliter l’exercice de l’activité de ses membres ou les associer totalement dans le but de dégager un bénéfice commun :

SOCIÉTÉS CRÉÉES POUR FACILITER L’EXERCICE DE L’ACTIVITÉ DE LEURS MEMBRES (CONSTITUÉES D’ENTREPRISES INDÉPENDANTES)

  • Société civile de moyens (SCM) : regroupe des professionnels libéraux dans le but de partager des moyens (locaux, accueil, matériel) afin de réaliser une économie, sans partage de bénéfice ni de clientèle. Dans une SCM, les associés participent aux frais communs, mais exercent chacun à titre individuel. La société elle-même n’a pas d’existence juridique.
  • Groupement d’intérêt économique (GIE) : plus marginal dans le monde libéral du fait de la possibilité de créer une SCM, le GIE fonctionne de la même façon que cette dernière et impose également la responsabilité indéfinie et solidaire de ses membres.

Ainsi, chaque associé est responsable individuellement de ses actes, mais conjointement des dettes de la SCM ou du GIE. La société peut acheter du matériel, ouvrir un compte bancaire, conclure un bail et engager du personnel.

SOCIÉTÉS PLURIPERSONNELLES (PLUSIEURS ASSOCIÉS)

La traduction étant une activité libérale non réglementée, toutes les formes « classiques » de sociétés peuvent être envisagées. Même si la forme est commerciale, l’activité reste libérale :

  • Société anonyme (SA) : société de capitaux réunissant des investisseurs (personnes physiques ou morales) qui peuvent ne pas se connaître, elle s’adapte donc généralement à des projets d’envergure. Peut aussi prendre la forme coopérative (SCOP) auquel cas les associés majoritaires sont les salariés.
  • Société par actions simplifiée (SAS) : forme de société de capitaux offrant une plus grande souplesse de fonctionnement et la possibilité pour les associés d’aménager dans les statuts les conditions de leur entrée et de leur sortie de la société.
  • Société à responsabilité limitée (SARL) : forme de société la plus répandue en France, car elle peut être adaptée à de nombreuses situations. Elle a pour principale caractéristique de limiter la responsabilité des associés et peut, comme la SA, prendre une forme coopérative (SCOP).
  • Société en nom collectif (SNC) : forme de société moins répandue que les précédentes en raison de la responsabilité solidaire et indéfinie qui pèse sur chacun des associés. Cette structure convient surtout si vous souhaitez créer une société fermée composée exclusivement de personnes que vous connaissez bien et en qui vous avez totalement confiance.

Pour plus d’information sur les différentes formes de société, choisir la bonne et télécharger gratuitement des modèles de statuts, consultez le site de Bpifrance Création.

Questions à se poser

Est-il nécessaire de travailler en partenariat ou de s’associer ? Autrement dit, ce choix, que vous faites peut-être par confort ou par amitié, apporte-t-il une réelle valeur ajoutée à votre entreprise et à ses clients ? Comme toute décision d’ordre stratégique, le fait de travailler à plusieurs doit se justifier d’un point de vue rationnel et financier. Soupeser la validité de cette option, vous permettra en outre de définir quel type de partenaire vous correspond.

Êtes-vous certain de savoir à qui vous avez affaire ? Ne vous lancez pas sur un coup de tête et prenez le temps d’évaluer la réputation, les valeurs, la disponibilité et l’expérience de votre partenaire potentiel. Vous devez pouvoir communiquer librement avec lui afin de régler ensemble les problèmes que vous ne manquerez pas de rencontrer et vous exprimer sans crainte de vous froisser. Pour certaines personnes, une trop grande « proximité » sur le plan sentimental, familial ou amical peut nuire à l’instauration d’un dialogue franc et ouvert dans un contexte professionnel.

Faut-il informer vos clients de votre collaboration ? Pour moi, il est toujours préférable de faire preuve de transparence, d’autant plus que l’implication de plusieurs professionnels dans un projet contribue souvent à sa valeur ajoutée et mérite d’être mise en avant en tant qu’avantage pour le client. Toutefois, ne sous-estimez pas le besoin de le rassurer quant à l’éventuel surcoût et les moyens mis en œuvre pour assurer la cohérence et l’harmonisation des contributions de chacun.

Qui fait quoi et qui a le pouvoir de décider ? Pour que le produit d’un travail collectif soit supérieur à la somme des contributions de chacun (ce que le monde des affaires qualifie de « synergie »), il est important que chaque membre de l’équipe ait des compétences complémentaires et des responsabilités clairement établies. La démocratie (une personne, une voix) est une option tout à fait valable, mais vous pouvez aussi opter pour un mode de fonctionnement différent avec, par exemple, un chef de projet chargé de faire le lien avec le client et de coordonner l’ensemble du travail ou l’attribution d’un pouvoir décisionnel proportionnel à l’investissement de départ ou à la contribution au chiffre d’affaires. Dans tous les cas, faites preuve de clarté dès le départ (quitte à tout mettre par écrit) pour éviter de vous marcher sur les pieds en cours de projet.

Qui paie quoi ? Qu’on le déplore ou non, le nerf de la guerre (et la principale cause de rupture dans le cadre d’un partenariat) est invariablement l’argent. Afin de limiter les sources de conflit, discutez franchement entre vous de tout ce qui a trait au règlement des éventuelles factures et à la rémunération. De votre côté, mettez un point d’honneur à toujours payer promptement vos collaborateurs et associés.

Règles à respecter

  • Communiquer clairement et régulièrement : il existe désormais de nombreux outils de collaboration en ligne très utiles pour faciliter vos échanges avec collaborateurs et associés.
  • Négocier un accord équilibré : pour durer et être fructueux, un partenariat doit profiter à tous dans une commune mesure.
  • Signer un contrat : « Un contrat, c’est comme une assurance… ».
  • Respecter la loi et les termes de votre accord
  • Conserver l’ensemble des documents relatif à votre collaboration : ces documents comprennent le contrat, les devis et factures, les éventuels statuts, les courriers, emails, etc.
  • Payer promptement vos collaborateurs et associés
  • S’impliquer au quotidien
  • Instaurer la confiance et le respect mutuel en toutes circonstances
  • Faire preuve de souplesse et accepter la critique
  • Mesurer l’impact du partenariat et évaluer régulièrement ses résultats : faire le point pour chacun des partenaires et procéder aux ajustements nécessaires avant de décider de le reconduire ou non.

J’espère que ces pistes alimenteront votre réflexion et vous aideront à mieux tirer parti des opportunités qu’offre la collaboration dans le domaine de la traduction. Et vous ?  Travaillez-vous souvent en équipe ou êtes-vous associé ? Quels conseils donneriez-vous à un traducteur prêt à se lancer dans une aventure collective ?

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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