À votre compte depuis x années, vous vous dites qu’il serait peut-être temps de gagner plus et donc d’augmenter vos tarifs.

La situation n’est pas rare dans le monde de l’entrepreneuriat : sans forcément casser les prix, nous sommes nombreux et nombreuses à nous lancer en pratiquant des tarifs serrés pour nous « faire une place sur le marché » avant de nous rendre compte au bout de quelque temps, que si nous travaillons plus, et plus efficacement, nos tarifs, eux, n’ont jamais augmenté… Il est grand temps d’y remédier !

La réalité

Premier constat : la traduction est une profession intellectuelle qui (à moins de toucher des droits d’auteur) ne permet pas de gagner des revenus passivement. 

Votre niveau de rémunération dépend de trois facteurs :

  1. Votre temps facturable : nombre d’heures par jour, par semaine et par an que vous pouvez travailler.
  2. Votre productivité : nombre de projets/pages/lignes/mots traduits par heure ou par jour.
  3. Vos tarifs : prix unitaire, au mot, à la ligne, à la page, à l’heure, etc.

Bien sûr, votre expérience et votre maîtrise de certains outils vous font gagner du temps et améliorent ainsi la rentabilité de votre entreprise, mais vos heures facturables ne sont pas extensibles à l’infini : vous avez besoin de dormir et de faire autre chose que de travailler pour être efficace.

À un moment ou à un autre, il vous faut donc agir sur le troisième levier, celui que beaucoup tout le monde redoute : les tarifs.

Vous hésitez, craignez de perdre tout ce que vous avez mis du temps à bâtir, c’est normal, mais pas de panique ! Avec un peu de méthode et le bon état d’esprit, il est tout à fait possible d’augmenter vos tarifs pour mieux vivre de votre activité.

Deuxième constat : le marché de la traduction est libre et les prix varient énormément.

Puisque votre prestation est intellectuelle, vous n’avez pas de coûts à absorber (encore que…), les prix sont donc fixés sur la base d’un critère très subjectif : la valeur de votre travail, telle que vous et votre clientèle la percevez.

La concurrence influe aussi sur vos tarifs, d’autant qu’un prix unitaire est facile à comparer, mais pour garder un maximum de marge de manœuvre dans vos négociations, concentrez-vous sur ce que vous maîtrisez et centrez la conversation sur la valeur que vous créez, promesse de bénéfices pour votre client.

Le principe est simple : vos tarifs devraient augmenter avec votre expertise. Voyons maintenant comment procéder…

L’approche

ÉTAPE 1 : ÉVALUEZ VOTRE SITUATION

Comme je l’explique dans mes formations, la base de toute réflexion stratégique est la recherche (collecte d’informations fiables, récentes et pertinentes).

Commencez par étudier vos propres données pour savoir précisément :

  • combien vous dépensez (dépenses personnelles et dépenses professionnelles, y compris les cotisations sociales),
  • combien vous gagnez (chiffre d’affaires et rémunération « nette »), et
  • comment (nombre d’heures/de jours travaillés, tarif par type de service/de clientèle, etc.).

Collectez également sur internet des informations sur les prix du marché : enquête tarifaire de la SFT, revenus moyens des professionnels de la traduction, sites internet des agences, forums de traducteurs… Pas pour vous aligner aveuglément, mais pour vous en servir comme référence.

ÉTAPE 2 : FIXEZ-VOUS DES OBJECTIFS

En tenant compte des informations collectées, calculez votre chiffre d’affaires minimum et votre base horaire : le montant minimum que vous devez gagner par heure de travail pour atteindre votre objectif de rémunération nette mensuelle ou annuelle. Vous pourrez alors fixer vos tarifs dans la limite de cette base (prix plancher).

Exemple : base horaire / nombre de mots traduits en moyenne par heure = tarif minimum au mot.

Si le montant ainsi obtenu vous semble irréaliste au vu de votre vision du marché, il vous faudra agir sur les deux autres leviers de votre rémunération : le temps de travail et la productivité. Vous pourriez travailler plus d’heures, déléguer certaines tâches, investir dans des outils numériques (facturation, gestion pour réduire le temps consacré à des tâches non rémunérées ou TAO pour augmenter votre productivité), collaborer avec des pairs, vous former, etc. afin de gagner plus par heure de travail sans augmenter vos tarifs.

Cependant, ces deux leviers ont leurs limites : le but n’est pas de vous occuper, mais de bien gagner votre vie.

Par ailleurs, puisqu’il est le reflet de la valeur de votre travail, votre tarif a aussi une dimension psychologique intégrant l’image que vous projetez, votre confiance en vous, votre rapport à l’argent, etc. autant d’éléments pouvant vous empêcher de fixer et d’assumer un tarif élevé.

Pour éviter de vous autosaboter en écoutant la petite voix intérieure qui est souvent notre pire critique, soyez à l’écoute de vos peurs et vos doutes. En prenant ainsi du recul et en faisant preuve d’une plus grande bienveillance envers vous-même, vous pourrez vous convaincre de votre propre valeur pour mieux négocier.

ÉTAPE 3 : FAITES PREUVE DE STRATÉGIE… ET DE PSYCHOLOGIE !

Dans votre réflexion, gardez à l’esprit que pour qu’une relation commerciale soit mutuellement satisfaisante, il faut qu’il y ait une adéquation entre l’offre et la demande : entre ce que vous proposez et les attentes et les besoins de votre client.

Inutile de perdre votre temps à vendre des traductions haut de gamme à quelqu’un qui se soucie uniquement du prix ou du délai. Vous ne pouvez pas plaire à tout le monde :

Il est donc crucial de bien vous positionner sur le marché en définissant très précisément votre offre (services et promesse de bénéfices) et la clientèle que vous visez (profil idéal, ses attentes, ses besoins et ses problèmes).

Si vous ne voulez pas que votre tarif soit un frein :

  • ciblez des clients pour lesquels le prix n’est pas le seul critère de choix (traduction ayant un fort impact commercial, financier ou en termes d’image de marque) ;
  • proposez des services « premiums » : plus rares, plus complexes, d’excellente qualité ;
  • mettez en avant votre valeur ajoutée : cherchez avant tout à créer et maintenir des relations (présentez-vous comme quelqu’un qui apporte une solution à un problème : c’est moins angoissant et beaucoup plus efficace pour vendre des services). Établissez des devis clairs, idéalement sous forme de forfaits, listant tous les bénéfices que vous apportez ; et
  • évitez les plateformes de mise en relation type Malt, Upwork, Fiverr, etc. ou tout autre système qui limite la concurrence à la comparaison de tarifs à l’unité.

Bien sûr, il est plus facile d’augmenter vos tarifs à chaque nouveau prospect que de devoir annoncer à celles et ceux qui vous font régulièrement travailler que les conditions de votre accord doivent changer. Cependant, votre tarification doit rester cohérente pour être juste et satisfaisante pour toutes les parties concernées.

Avec de nouveaux clients, cet ajustement permet de vérifier où se situe l’équilibre du marché et quelle est la valeur attribuée à vos services. Si vous peinez à convaincre, c’est qu’il faut sans doute travailler à définir et énoncer clairement votre proposition de valeur.

Avec vos clients existants, la relation est essentielle. Préférez une conversation (par téléphone ou en personne) à un simple message les mettant devant le fait accompli. Vous démontrerez ainsi votre professionnalisme et votre sens du service, deux éléments importants pour convaincre.

La pratique

Avec le temps et l’expérience, vous apprendrez à aborder la question plus sereinement, mais en attendant, vous pouvez vous entraîner en appliquant les conseils suivants :

1. DÉVELOPPEZ LE BON ÉTAT D’ESPRIT

Les périodes les plus occupées sont les plus favorables pour augmenter vos tarifs, car elles vous donnent confiance en vous. Vous méritez d’être traité·e et payé·e comme le ou la professionnelle compétente que vous êtes, mais encore faut-il vous en convaincre pour convaincre les autres. Au besoin, faites appel à un·e coach pour travailler sur ce point. Enfin, si vous avez tendance à repousser sans cesse les tâches que vous n’aimez pas faire (comme discuter de vos tarifs), obligez-vous à agir en prenant des engagements (réservez un créneau dans votre emploi du temps, rejoignez un groupe de soutien, faites-vous accompagner pour organiser le suivi de vos démarches, etc.)

2. ANTICIPEZ.

Donnez au moins un mois de préavis à votre clientèle existante.

3. PRIVILÉGIEZ LE DÉBUT D’ANNÉE.

Période de renouveau des budgets et des objectifs : vos nouveaux tarifs pourront ainsi être intégrés à la planification de l’exercice.

4. SOYEZ DIRECT.

Un message clair est rassurant. Rappelez-vous que la vente aux professionnels passe par l’établissement d’une relation de confiance et donc votre capacité à avoir des discussions franches.

5. PRÉPAREZ VOS ARGUMENTS.

Avant de vous lancer, faites le point des raisons qui vous poussent à augmenter vos tarifs. Plus d’expérience, nouvelles compétences, alignement avec le marché, prise en compte de l’inflation, égalité de traitement entre vos clients… quelle que soit l’explication, elle sera plus convaincante (pour vous, comme pour votre partenaire de négociation) si elle se base sur des critères objectifs.

6. ADAPTEZ VOTRE MESSAGE.

Toujours dans l’idée d’étayer votre argumentation, rappelez la durée de votre collaboration, les bénéfices et la valeur ajoutée que vous apportez, les résultats obtenus, etc. Dans ce but, pensez à collecter régulièrement des preuves de votre expérience et de la qualité de votre travail.

7. PRÉPAREZ-VOUS À RÉPONDRE AUX OBJECTIONS.

Puisque vous avez choisi la voie du dialogue, il est normal de faire face à des objections. Les plus courantes sont le budget et la concurrence, parfois le manque d’expérience. Imaginez tous les arguments qu’on pourrait vous opposer et trouvez la parade (en l’exprimant poliment, mais fermement). Pour mieux cerner les priorités, ouvrez la discussion en demandant si en dehors du prix, votre prestation correspond aux attentes.

8. ENVISAGEZ UN COMPROMIS.

Vous êtes libre d’imposer ou de discuter l’augmentation de vos tarifs. Notez cependant que dans ce dernier cas, le principe de la négociation veut que vous trouviez un accord au bénéfice de chacun. Prévoyez quelques concessions acceptables : tarif préférentiel à durée limitée, revalorisation à une date ultérieure, augmentation limitée à certaines prestations… mais faites bien comprendre à votre client que vous lui faites une faveur.

9. NÉGOCIEZ SUR D’AUTRES CRITÈRES QUE LE PRIX.

Puisque vous avez fixé vos tarifs et décidé de les revaloriser sur des critères objectifs, ne reculez pas sous la pression au risque de vous discréditer. Restez ferme sur votre prix plancher et orientez les négociations sur d’autres éléments comme votre disponibilité, la qualité de votre service, votre rapidité d’exécution, etc.

10. DEMANDEZ CE QUE LE CLIENT CONSIDÈRE COMME JUSTE.

On ne sait jamais ! Sa proposition pourrait être supérieure au compromis que vous aviez envisagé.

11. ACCEPTEZ D’ÉCHOUER.

Fixez-vous une limite à ne pas dépasser et assurez vos arrières. La première précaution à prendre est d’éviter de dépendre d’un nombre trop limité de clients, surveillez le poids de chacun dans votre chiffre d’affaires et prévoyez de prospecter si vous constatez une dépendance risquée. Convaincre de nouveaux contacts vous donnera la confiance nécessaire pour vous affirmer et refuser des conditions qui vous seraient défavorables. Vous aurez aussi un parachute si jamais votre augmentation de tarif est refusée.

Même si vous devez mettre fin à la relation, maintenez votre professionnalisme : reconnaissez le décalage entre vos attentes et celles de votre client et proposez-lui de vous recontacter si jamais son budget ou ses besoins changent.

 

Il est fréquent et parfaitement normal que votre portefeuille de clients évolue au fil du temps. Beaucoup de traducteurs et traductrices ayant commencé en travaillant exclusivement pour des agences se tournent progressivement vers une clientèle directe après avoir acquis de l’expérience et de l’assurance et augmentent ainsi leurs tarifs.

Inutile donc de vous accrocher à des relations anciennes par sentimentalisme ou culpabilité.  L’indépendance est une liberté : plutôt que de subir ou d’accepter une situation qui ne vous convient pas, vous pouvez agir dès aujourd’hui pour revaloriser votre offre de services.

Et, si vous avez testé certains de ces conseils et réussi (ou échoué), faites-nous part de votre expérience.

 

QUE LA FORCE SOIT AVEC VOUS !

 

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