La microentreprise est un dispositif français permettant d’alléger au maximum les contraintes liées à la création et à la gestion d’une entreprise. Depuis son lancement il y a 10 ans, et malgré les critiques de certains professionnels qui ont du mal à aligner leurs tarifs sur ceux des microentrepreneurs facturant en franchise de TVA, il rencontre un franc succès.

Il faut dire que ce régime à la fois fiscal et social a bien des atouts, notamment pour les professionnels exerçant en libéral comme les traducteurs. La microentreprise est-elle la bonne solution pour vous ? Faisons le point sur ses avantages et ses inconvénients…

Pourquoi choisir ce régime ?

Petite précision avant de commencer : il ne faut pas confondre le régime et la forme juridique d’une entreprise. En France, les trois principales formes juridiques choisies pour une création d’activité de prestation de services sont l’entreprise individuelle (EI ou EIRL), la société à responsabilité limitée (EURL/SARL) et la société par actions (SASU/SAS).

La microentreprise est une entreprise individuelle qui bénéficie d’un régime fiscal et social particulier. 

À la fois simple à comprendre et à mettre en place, ce régime a pour objectif d’alléger au maximum les démarches nécessaires à la création et à la gestion de votre entreprise (c’est-à-dire d’une entreprise individuelle réalisant moins de 72 600 € de chiffre d’affaires annuel hors taxes pour des prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux ou BNC comme la traduction), mais comme souvent lorsqu’il s’agit de simplifier, il faut en contrepartie renoncer à certains avantages. 

Dressons donc la liste des points positifs et négatifs de l’entreprise individuelle sous le régime de la microentreprise :

AVANTAGES DE LA MICROENTREPRISE

  • En tant que microentrepreneur vous bénéficiez du régime micro-social simplifié, autrement dit, vous déclarez mensuellement ou trimestriellement votre chiffre d’affaires et payez vos cotisations sociales sous forme de pourcentage de ces recettes.
  • Le principal avantage de ce régime est l’absence de charges sociales en cas de chiffres d’affaires nul. En clair, pas de recettes, pas de versement de cotisations. Un avantage non négligeable par rapport aux autres indépendants, dont les cotisations sont calculées sur les recettes de l’année précédente et versées quel que soit le niveau d’activité.
  • Si le montant total des revenus de votre foyer fiscal ne dépasse pas un certain seuil, vous pouvez en plus opter pour le versement libératoire de l’impôt sur le revenu qui sera calculé en appliquant un taux forfaitaire spécifique sur le chiffre d’affaires (2,2 % pour les prestations de services comme la traduction) et payé en même temps que les cotisations et contributions sociales, simplifiant ainsi (et réduisant souvent) le paiement de votre impôt sur le revenu.
  • Vous êtes dispensé d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et de verser la cotisation foncière des entreprises (CFE) l’année de la création de votre activité.
  • En plus de démarches simplifiées pour créer votre microentreprise, vous bénéficiez d’obligations comptables allégées. Les prestataires de services comme les traducteurs doivent simplement tenir un livre de recettes présentant les montants et l’origine des sommes perçues dans l’ordre chronologique et de conserver une pièce justificative (facture) pour chaque recette.
  • Si vous avez moins de 26 ans ou êtes demandeur d’emploi (même sans être indemnisé) au moment de créer votre microentreprise, vous pouvez obtenir une exonération de cotisations sociales, totale ou partielle selon vos revenus, pour votre première année d’activité. Pour bénéficier de cette aide à la création, vous devez adresser une demande d’Aide à la création ou à la reprise d’entreprise (ACRE) auprès de l’URSSAF lorsque vous remplissez votre déclaration de création d’activité ou dans les 45 jours suivants cette date.

INCONVÉNIENTS DE LA MICROENTREPlRISE

  • Contrairement aux autres entreprises, le régime fiscal de la microentreprise (micro-BNC) ne permet pas de déduire ses charges réelles ou d’imputer un éventuel déficit sur les revenus de l’entreprise. Autrement dit, si vous dépensez plus que le montant de l’abattement forfaitaire prévu par le régime (34 % de votre chiffre d’affaires) ou plus que vous ne gagnez (risque limité, mais existant notamment au début de l’activité d’un traducteur), vous ne pourrez pas déduire ces dépenses ou cet éventuel déficit pour réduire votre impôt sur le revenu.
  • La simplicité de la microentreprise vous empêche de sous-traiter une partie de votre activité (la relecture par exemple), car vous payez vos cotisations sociales sur vos recettes et ne pouvez donc pas déduire la part reversée à un tiers.
  • Les entrepreneurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 34 400 € en 2020 bénéficient de la franchise en base de TVA et n’ont donc pas à collecter cette taxe lorsqu’ils facturent leurs clients. En contrepartie, ils ne peuvent pas récupérer la TVA qu’ils paient eux-mêmes sur les achats effectués pour leur entreprise. 
  • On parle parfois de la mauvaise image de la microentreprise qui ferait fuir les clients par son côté amateur. C’est peut-être un argument valable en France, où votre statut saute aux yeux dès que vous remettez une facture sans TVA, mais à l’étranger, où sont basés une grande partie de vos clients potentiels, vous ne trouverez personne pour s’en offusquer, et dès lors que vous avez obtenu un numéro de TVA intracommunautaire pour déclarer vos prestations de services dans l’Union européenne, la plupart ne s’en rendront même pas compte.

Pour conclure, la microentreprise offre bien des avantages notamment au début de votre activité, car elle permet de simplifier au maximum vos démarches de création et la gestion de votre entreprise. C’est donc un excellent moyen de tester la vie de travailleur indépendant. Une fois lancé, il sera toujours possible de changer de régime ou de forme juridique pour mieux l’adapter à vos besoins.

La création en pratique

Vous êtes décidé ? Prêt à vous lancer dans l’aventure de l’entreprise individuelle et convaincu par les atouts du régime micro ? Il est désormais temps d’effectuer les démarches nécessaires à la création…

Tout commence sur le Portail officiel Autoenrepreneur de l’Urssaf. Vous remplissez en ligne votre déclaration de début d’activité et votre demande est transmise au Centre de formalités des entreprises des professionnels de votre secteur (l’Urssaf pour les professionnels libéraux) qui se chargera de notifier toutes les administrations concernées (service des impôts, caisse de retraite, assurance maladie, etc.). Vous recevrez au cours des jours suivants les justificatifs nécessaires à l’exercice de votre activité.  

S’il est vrai qu’il ne faut y consacrer que 5 minutes, je tiens tout de même à vous présenter l’ensemble des acteurs concernés, afin que vous puissiez vous familiariser avec leurs rôles et contacter le bon interlocuteur en cas de besoin :

Les cases qui posent question

Que vous remplissiez votre déclaration de début d’activité au format papier ou électronique, certaines cases peuvent vous amener à vous interroger :

  • Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) : puisque le patrimoine d’une entreprise individuelle et de son dirigeant ne font qu’un, les biens de ce dernier peuvent être liquidés pour rembourser ses dettes professionnelles (à l’exception de la résidence principale). Pour éviter cela, ou protéger votre conjoint, vous pouvez opter pour l’EIRL et affecter un patrimoine à votre activité qui sera le seul pouvant être saisi pour rembourser vos créances professionnelles.
  • Activité exercée : le code NAF ou APE de la traduction et interprétation est 7430Z. Vous le trouverez dans le menu déroulant des activités sous « Secrétariat, organisation, services support aux entreprises ». Vous pouvez exercer plusieurs activités dans le cadre d’une même microentreprise, mais vous devez indiquer la principale et respecter le seuil de chiffre d’affaires correspondant.
  • Dénomination commerciale : si vous avez choisi un nom pour votre entreprise et souhaitez le faire figurer sur votre déclaration d’activité pour éventuellement servir de preuve d’antériorité, notez-le dans la case « Observations » sous la rubrique « Renseignements complémentaires ».
  • Versement des cotisations : vous avez le choix de la fréquence du prélèvement de vos cotisations sociales (par mois ou par trimestre). Si vous comptez exercer votre activité à temps plein, je vous recommande le prélèvement mensuel pour vous éviter d’oublier l’échéance et faciliter la gestion de votre trésorerie.
  • Versement libératoire forfaitaire de l’impôt sur le revenu : cette option fiscale du régime micro-BNC vous permet, si vous pouvez en bénéficier, de régler votre impôt sur le revenu (IR) tiré de votre microentreprise en même temps que vos cotisations sociales. Selon la situation de votre foyer fiscal, ce prélèvement à taux fixe (2,2 % de votre chiffre d’affaires) peut être avantageux. Toutefois, puisqu’il est prélevé automatiquement vous pourriez payer l’impôt sur le revenu alors que vous n’êtes pas imposable : prenez le temps de faire le calcul !
  • Consultation des informations enregistrées dans le répertoire SIRENE : vous pouvez choisir de ne pas diffuser les informations personnelles vous concernant figurant dans le Système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements, couramment abrégé sous l’acronyme SIRENE. Ces informations sont normalement accessibles à tous et permettent de vérifier votre situation. Malheureusement certains en profitent pour vous adresser dès la création de votre entreprise des courriers d’aspect officiel destinés à vous vendre des services inutiles et payants. Si vous souhaitez protéger vos données, vous pouvez demander à ce qu’elles ne puissent pas être consultées sur le site de l’INSEE ni utilisées par des tiers. Quelle que soit votre décision initiale, vous pourrez toujours changer votre statut de diffusion par la suite.

Les points importants à souligner

  • Vous devez faire votre déclaration, systématiquement, chaque mois ou chaque trimestre, même en l’absence de chiffre d’affaires (dans ce cas-là, indiquez 0 pour la période concernée).
  • Le seuil de sortie du régime pour les prestataires de services (72 600 € de CA HT en 2020) est dissocié du seuil d’exercice en franchise en base de TVA (34 400 € de CA HT). Vous pouvez donc être à la fois microentrepreneur et assujetti à la TVA. 
  • Le chiffre d’affaires à ne pas dépasser est calculé au pro rata du nombre de mois depuis la création de l’activité. Par exemple, si vous avez créé votre activité en mai, le seuil pour la première année sera 48 400 € soit (72 600 €/12 mois) x 8 mois d’existence. Gardez donc un œil sur le total cumulé de vos recettes, pour anticiper le dépassement des seuils (de chiffre d’affaires et de TVA) prévus dans le cadre du régime.
  • Si vous exercez votre activité en franchise en base de TVA, vous devez impérativement en informer vos clients. Pour cela, la mention « TVA non applicable, article 293B du CGI » doit apparaître sur tous vos devis et factures.
  • Le versement forfaitaire libératoire (VFL) de l’impôt sur le revenu est tributaire des revenus de votre foyer fiscal l’année N-2. Ainsi, pour opter pour le VFL en 2020, le montant de votre revenu fiscal de référence en 2018 doit être inférieur à 27 519 € par part de quotient familial. Si les revenus de votre foyer dépassent ce seuil, vous devrez alors intégrer le bénéfice de votre microentreprise à vos autres revenus et payer l’impôt correspondant via le prélèvement à la source. Ce bénéfice imposable est déterminé par l’administration fiscale qui applique au chiffre d’affaires déclaré des traducteurs un abattement forfaitaire pour frais professionnels de 34 % (avec un minimum de 305 €) : vos revenus imposables représentent donc 66 % de vos recettes.
  • Vous êtes redevable de la contribution à la formation professionnelle. Pour un traducteur, son montant s’élève à 0,20 % du chiffre d’affaires. Cette contribution vous donne droit au remboursement de certaines dépenses de formation par le Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIF PL).
  • Pour valider 4 trimestres de retraite par an, vous devez réaliser un chiffre d’affaires minimum revu chaque année (9 675 € pour les traducteurs en micro BNC en 2020).

Et après ?

Le statut de microentrepreneur s’applique tant que votre chiffre d’affaires (les recettes encaissées au cours de l’année civile) ne dépasse pas les seuils du régime fiscal de la microentreprise. Cependant, un éventuel dépassement n’a pas d’incidence sur le statut juridique de votre entreprise, qui reste une entreprise individuelle.

Si vous ne pouvez plus ou ne souhaitez plus bénéficier du régime micro, vous « basculez » dans le régime de droit commun des entrepreneurs individuels. Autrement dit, vous ne bénéficierez plus du calcul simplifié de vos cotisations sociales et de votre impôt sur le revenu et serez désormais imposé selon un régime réel d’imposition, avec une comptabilité classique, nécessitant de préparer tous les ans un compte de résultat et un bilan. Pour éviter une majoration de 25 % de votre base d’imposition, vous devrez aussi adhérer à une Association de gestion agréée (AGA) ou faire appel aux services d’un comptable exerçant le visa fiscal.

Le seuil de recettes imposant une sortie du régime ayant été relevé de façon significative, vous n’aurez pas à sortir du régime micro avant longtemps, mais il sera sans doute intéressant de le faire volontairement avant de franchir cette limite. Voyons comment cela se passe concrètement…

DÉPASSEMENT DU PLAFOND

Si l’entreprise dépasse le seuil de chiffre d’affaires pendant deux années consécutives (N et N+1), elle passe alors sur le régime fiscal de l’entreprise individuelle « classique » au 1er janvier de l’année N+2. Si le dépassement de CA n’intervient que sur une seule année, elle peut conserver le régime fiscal de la microentreprise. En cas de bascule, l’Urssaf vous informera de votre nouveau régime par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception et vous disposerez d’un délai d’un mois pour contester votre situation.

Attention : pour la première année, les plafonds sont calculés au prorata du nombre de mois depuis la création de votre entreprise.

SORTIE VOLONTAIRE DU RÉGIME

En tant que prestataire de services, le régime micro-BNC simplifie grandement votre comptabilité en vous imposant uniquement de tenir un livre-journal de vos recettes puisque votre bénéfice (imposable) est calculé de manière forfaitaire : après déduction d’un abattement de 34 %, il représente 66 % de votre chiffre d’affaires. Toutefois, si le poids de vos dépenses (frais professionnels + cotisations sociales) dépasse ces 34 %, il devient plus intéressant pour vous de déclarer votre bénéfice réel pour le calcul de votre impôt sur le revenu.

En plus de vos recettes, il est donc judicieux de suivre vos dépenses dès le début de votre activité en vue de sortir volontairement du régime de la microentreprise au moment opportun.

Prenez le temps d’étudier les différents régimes fiscaux et les autres statuts juridiques, afin d’anticiper ce changement. Pour vous renseigner dès maintenant sur la meilleure option pour gérer votre entreprise, je vous recommande de consulter les sites Mon-entreprise.fr et BPI France Création, et d’éventuellement prendre rendez-vous avez un comptable qui saura vous conseiller en fonction de votre situation.

Amis microentrepreneurs, à vous de vous exprimer… Que pensez-vous de ce régime ? Tient-il toutes ses promesses ? Avez-vous du ou décidé d’y renoncer ?

 

POUR ALLER PLUS LOIN 

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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