À qui appartient votre mémoire de traduction ?

Très utiles pour améliorer votre productivité lorsque vous traduisez des textes avec de nombreuses répétitions, les outils de TAO (traduction assistée par ordinateur) peuvent devenir l’enjeu de négociations serrées entre un traducteur et son client lorsqu’il s’agit de déterminer à qui appartient la précieuse mémoire de traduction constituée lors d’un projet. La question, qui paraît simple de prime abord, fait l’objet de nombreux débats au sein de l’industrie langagière et de la communauté juridique. Faisons donc le point sur cet épineux sujet…

QUEL EST LE PROBLÈME ?

Les logiciels de TAO, et tout particulièrement les mémoires de traduction (MT), sont devenus en peu de temps incontournables au sein de notre industrie. Très utilisées, notamment dans le domaine de la traduction technique et par les agences de traduction, les MT sont le fruit du travail de recherche terminologique des traducteurs. Elles rassemblent de nombreux segments de texte déjà traduits pouvant être réutilisés pour réaliser plus rapidement de nouvelles traductions sur un même sujet.

Le temps étant proverbialement de l’argent, ces bases de données sont donc précieuses. Elles ont une valeur et s’échangent de plus en plus comme des biens. Le problème posé est donc le suivant : si une mémoire de traduction peut être vendue, donnée, prêtée ou louée, à qui appartient-elle ? 

QUELLES SONT LES PARTIES EN PRÉSENCE ?

Trois parties peuvent revendiquer la propriété d’une MT :

  • Le traducteur
  • Le client
  • L’intermédiaire (agence de traduction) 

En tant que traducteurs indépendants, le choix entre les trois nous paraît évident. La MT nous appartient, puisque c’est notre travail qui a permis de la développer et nos mots qui la composent. Cependant, si l’on considère la propriété intellectuelle, le client a aussi son mot à dire puisqu’il est l’auteur du texte source, et en tant qu’acheteur, le propriétaire de sa traduction. Enfin, une agence de traduction peut également se considérer comme propriétaire d’une MT si les sous-traitants qu’elle emploie (les traducteurs) n’ont fait que « remplir » une base de données qu’elle a créée et qu’elle entretient.

Au cœur de cette recherche de paternité se pose la question de la propriété intellectuelle. Pour faire l’objet d’une protection au titre de la propriété intellectuelle, un texte doit être original et suffisamment long. Le débat se porte donc sur l’examen de la nature exacte de la mémoire de traduction : peut-on considérer des segments de texte comme une forme de propriété intellectuelle ? Le texte source pouvant à tout moment être reconstitué, le client est-il seul propriétaire d’une MT ou bien le temps, l’énergie et l’argent consacrés au développement de cette base de données doivent-ils en déterminer la propriété ? La question est loin d’être tranchée. Seuls l’avenir et l’inévitable jurisprudence qui en découlera seront en mesure de nous apporter une réponse. Dans ces conditions, que faire en attendant ? 

COMMENT ÉVITER LES CONFLITS ?

Comme le disaient nos grands-mères, mieux vaut prévenir que guérir. Pour éviter de devoir renoncer à vos droits sous peine de froisser ou de perdre un client, ou de ne pouvoir tirer parti de vos propres recherches terminologiques pour décrocher de nouveaux contrats, pensez à établir dès le début de votre relation commerciale qui sera propriétaire de la MT du projet.

Obtenir un accord écrit préalable est le meilleur moyen de prévenir d’éventuels conflits. Pour aborder cette question, incluez-la sous forme de clause dans vos conditions générales de vente. Bien entendu, votre interlocuteur ne sera pas tenu de vous accorder la propriété exclusive de votre MT, mais vous aurez au moins l’occasion de négocier les termes de votre accord.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà été confronté à ce problème ? Accepteriez-vous de ne pas être propriétaire d’une MT que vous avez créée ? N’hésitez pas à témoigner !

 

POUR ALLER PLUS LOIN

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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