arbitrage« Trust but verify », la maxime de prédilection de Ronald Reagan pendant la guerre froide, s’applique tout particulièrement au monde de l’entreprise. Lorsque vous travaillez avec un client pour la première fois, il convient de déterminer à l’avance les modalités de votre relation et mieux vaut le faire par écrit, afin d’établir clairement les responsabilités de chacun et de régler plus facilement d’éventuels différents. Pour cela, rédigez dès à présent vos conditions générales de vente (CGV), ou de prestation de service (CGPS) si vous êtes prestataire, mettez-les à disposition de vos clients et prospects sur votre site web et mentionnez-les dans vos devis.

Vous ne savez pas par où commencer ou avez peur d’oublier une clause importante ? Lisez la suite de ce billet !

C’est quoi des conditions générales de vente ou de prestation de service ?

Vous avez sans doute déjà entendu le terme de conditions générales de vente (CGV) et coché une case sur un site web pour signifier que vous les aviez lues et acceptiez leurs termes avant d’effectuer un achat sur Internet. Comme les CGV, les conditions générales de prestation de service (CGPS) définissent les relations contractuelles entre un vendeur et un acheteur, mais désignent spécifiquement les conventions relatives à la délivrance de services plutôt que de biens : en tant que traducteurs, c’est donc le terme que nous devons privilégier.

Si leur rédaction n’est pas obligatoire pour la prestation de services entre professionnels (B2B), l’article L441-1 du Code de commerce prévoit que les CGPS doivent être communiquées au client professionnel qui en fait expressément la demande. Mieux vaut donc y consacrer un peu de temps dès maintenant pour disposer du document au moment voulu.

Quel est l’intérêt d’avoir des CGPS ?

Présenter vos conditions générales de prestation de service à un nouveau client vous permet d’aborder la façon dont vous souhaiter collaborer avec lui. Elles peuvent servir de base à la rédaction d’un contrat, mais en l’absence d’accord spécifique, elles s’appliqueront par défaut si vous vous en faites mention dans vos devis.

Les CGPS n’ont que des avantages :

  • Elles établissent dès le début de la relation vos responsabilités et celles de votre client.
  • Elles précisent certains points pouvant être source de litige avant que des problèmes se posent (droits d’auteur, modification de texte source en cours de projet, retards de paiement, etc.).
  • En présentant clairement vos exigences, elles vous permettent de négocier un accord plutôt que de signer aveuglément celui que votre client vous présente.
  • Elles séparent le bon grain de l’ivraie en rebutant les clients abusifs. Si une entreprise refuse de vous confier un contrat de traduction à cause de vos conditions générales, c’est qu’elle ne vous traitera jamais comme un partenaire, autant éviter de perdre votre temps.
  • Elles reflètent votre professionnalisme et vous différencient des traducteurs proposant leurs services en envoyant un simple CV.

Comment rédiger vos CGPS ?

Bien que les CGPS ne soient pas obligatoires pour encadrer les conventions entre professionnels, si elles sont formalisées leur contenu est imposé en partie par la loi (le code de commerce en l’occurrence) et doit inclure certaines mentions, notamment :

  • Les conditions de vente (parties en présence, nature du travail, délais impartis, etc.).
  • Le prix unitaire (prix au mot source ou au mot cible, montant forfaitaire à l’heure ou pour l’ensemble du projet…).
  • Les éventuelles réductions de prix et conditions d’escompte accordées au client, ainsi que leur mode de calcul.
  • Les conditions de règlement (paiement à l’avance, en cours ou en fin de contrat, mode de règlement, délais de paiement, etc.) y compris les pénalités en cas de retard de paiement et leur mode d’application (X % d’intérêt par mois/semaine/jour à compter de la date limite de paiement, sans oublier l’indemnité forfaitaire). 

Pour vous aider dans cette tâche, la Société française des traducteurs (SFT) propose des Conditions générales de prestations de service recommandées, que vous pouvez adopter telles quelles (après les avoir relues attentivement !) ou adapter à vos besoins.

📄 À titre d’exemple, vous trouverez un modèle de CGPS à télécharger dans notre bibliothèque.

Si vous faites traduire ces CGPS dans la langue de vos clients, il est important de souligner qu’en cas d’incohérence, la version française est celle qui fait foi.

Vous remarquerez aussi que j’utilise les mêmes éléments visuels pour mes CGPS que sur le site Tradupreneurs, comme sur l’ensemble de mes documents d’entreprise (devis, factures, correspondance, CV, etc.). Cette identité visuelle sert à convaincre les clients potentiels qu’ils ont affaire à une professionnelle et à les amener à me respecter en tant que telle.

Points importants à faire figurer dans vos CGPS

En plus des mentions légales, n’oubliez pas d’aborder les questions suivantes :

  • Propriété intellectuelle : demandez au client de confirmer par écrit qu’il est bien propriétaire des droits d’auteur ou autorisé à faire traduire le texte source. Qui sera titulaire des droits d’auteur de la traduction ? Quels documents ou sources d’information devront rester la propriété de votre client ?
  • Mémoire de traduction : à qui appartient la mémoire de traduction créée ou utilisée pour ce projet ? Au client, à vous ou aux deux parties ?
  • Confidentialité : quelles informations ne doivent pas être divulguées et combien de temps serez-vous tenu de respecter cette clause de confidentialité ?
  • Protection des données personnelles : dans le cadre du Règlement général sur la protection des données (RGPD), vous avez le devoir d’informer les personnes à qui appartiennent les données personnelles que vous collectez (donc vos clients, dont vous enregistrez au moins le nom et les coordonnées) de l’usage que vous en faites et de leurs droits. Cette information doit figurer sur les supports de collecte de données, mais peut aussi être ajoutée aux CGPS puisqu’elles servent à informer vos clients et prospects.
  • Non-concurrence : pouvez-vous accepter des contrats d’entreprises concurrentes ? Si oui, êtes-vous tenu d’en informer votre client ? Si non, êtes-vous dédommagé en conséquence ?
  • Modifications : que se passe-t-il si le client change le texte source en cours de projet ? Comment doit-il vous en informer ? Êtes-vous libre de refuser de traduire les modifications ? Serez-vous rétribué en conséquence ? Êtes-vous responsable des modifications effectuées par des tiers ?
  • Acceptation/refus du travail fini : sous quelles conditions une traduction sera-t-elle acceptée ou refusée (relecture, vérification par le client…) ? Qui effectue la relecture et qui vérifie la qualité du travail fourni ? En se basant sur quels critères ? Quelles mesures seront prises pour corriger d’éventuelles erreurs (délai de notification, frais éventuels, etc.) ? Que se passe-t-il si le client n’est pas satisfait du résultat ? Quelle sera l’étendue de votre responsabilité professionnelle ?
  • Annulation du projet : que se passe-t-il si le contrat est annulé une fois le travail commencé ? Comment le traducteur sera-t-il compensé (pénalités ou paiement du travail déjà réalisé) ?
  • Rupture de contrat : sous quelles conditions chaque partie peut-elle être libérée de ses obligations (faillite du client, poursuites pénales, manquements graves aux conditions d’un contrat, maladie grave ou incapacitante, etc.) ?
  • Résolution de disputes : quelles sont la loi applicable et la juridiction compétente en cas de litige ? Quelle sera la procédure à suivre (médiation, arbitrage, tribunal compétent…) ?

Et si vous avez affaire à des particuliers ?

Certains traducteurs ont une clientèle composée en partie de particuliers (traduction certifiée, édition à compte d’auteur, etc.), dans ce cas les CGPS sont obligatoires et doivent être acceptées de façon formelle avant toute commande. Les obligations des professionnels ont été renforcées par la Loi Hamon du 13 juin 2014 et la Loi pour la confiance dans l’économie numérique en prévoyant notamment un délai de rétractation de 14 jours pour le client particulier, dont il faut impérativement tenir compte.

En omettant de communiquer ses CGPS, le prestataire s’expose à des sanctions, notamment à une amende civile de plusieurs milliers d’euros. En outre, s’il n’est pas fait mention des conditions d’application, du taux d’intérêt des pénalités de retard ou du montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, il risque une amende administrative.

Derniers conseils

  1. Mieux vaut se mettre d’accord à l’avance plutôt que de devoir gérer un conflit plus tard. Envoyez vos CGPS à votre client ou négociez les conditions de votre contrat AVANT de commencer une mission.
  2. Tout ce qu’un client vous demande, une fois votre contrat ou devis signé, devrait être accepté par écrit (un e-mail ayant valeur d’écrit dans le cadre de relations commerciales entre professionnels).
  3. Un contrat de prestation de service s’établit entre deux parties (vous et votre client), si vous devez en signez un, rédigé ou non sur la base de vos CGPS, méfiez-vous des clauses dont l’exécution sera soumise aux actions d’un tiers (paiement, vérification, approbation…). Ainsi, si vous travaillez en tant que sous-traitant, n’acceptez pas d’attendre que votre client soit lui-même payé pour recevoir le règlement de votre prestation.

À vous de jouer maintenant ! Avez-vous d’autres clauses à ajouter ?

 

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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