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« Heu, pardon, excusez-moi de vous déranger, mais pourriez-vous me payer s’il vous plaît ? » Ça vous rappelle quelque chose ? C’est normal, la France ne brille pas par le respect des délais de paiement entre professionnels. Trop souvent, les débiteurs repoussent insidieusement les échéances et dépassent largement la date limite de paiement, sans se soucier de mettre à mal la gestion de trésorerie des petites entreprises qu’ils font travailler. À tel point que le gouvernement et l’Union européenne, ont dû s’en mêler…  

Pour faire valoir vos droits, il faut d’abord connaître la loi. Voici donc un petit rappel de la réglementation en la matière, du mode de calcul des délais de paiement et des pénalités de retard.

À vos calendriers !

Commençons par bien faire la distinction entre délai de paiement et retard de paiement. Un délai de paiement est fixé librement entre les parties (dans le respect tout de même de la législation en vigueur) et correspond au temps qu’un fournisseur accorde à son client pour le régler, alors qu’un retard de paiement correspond au dépassement de la date d’échéance dudit délai. 

Pour éviter que votre délai ne se transforme en retard, pensez à préciser clairement dans votre devis et sur votre facture à quelle date vous souhaitez être payé. Sans dépasser une période maximale de 60 jours à compter de la date d’émission de la facture, plusieurs options sont possibles :

  • comptant
  • X jours nets
  • X jours calendaires
  • X jours fin de mois

Si nous prenons pour exemple une prestation facturée le 10 avril 2023, reportez-vous au tableau suivant pour bien calculer la date d’échéance :

Conditions de paiement

prévues au contrat

Date d’échéance Délai de paiement
comptant 10 avril 2023 aucun
30 jours nets 10 mai 2023 30 jours
30 jours fin de mois 31 mai 2023 51 jours*
60 jours calendaires 10 juin 2023 60 jours

(*) 30 jours jusqu’au 10 mai + 21 jours jusqu’à la fin du mois de mai

Comme vous pouvez le constater, inscrire simplement « règlement à 30 jours » sur votre facture ne suffit pas. Il faut absolument préciser s’il s’agit de 30 jours fin de mois ou 30 jours nets, car comme le montre notre exemple, ces simples petits mots peuvent se traduire par de nombreux jours d’attente supplémentaires !

La date d’émission de la facture a également son importance. Il vaut mieux en effet inscrire en toutes lettres « règlement sous 30 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture » pour éviter les excuses classiques du type facture égarée par la Poste ou adressée au mauvais service.

Situation tendue

Mais au fait, quelle est la durée maximale du délai de paiement entre professionnels en France ? Réponse : depuis la Loi de modernisation l’écononomie (LME) de 2009, elle était de 45 jours fin de mois, soit au plus tard 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture. Cependant, l’application de la directive européenne 2011/7/UE a réduit ce délai maximal à 30 jours calendaires (en l’absence d’un accord spécifique conclu entre les parties).

Un coup de pouce réglementaire bienvenu qui a fini par inverser la tendance. Ainsi, malgré les tensions d’approvisionnement et le retour de l’inflation en France et chez nos voisins européens, l’année 2022 a vu la poursuite des évolutions encourageantes des délais de paiement constatées par l’Observatoire des délais de paiement. Les retards de paiement atteignaient 11,7 jours à fin 2022 contre 12,4 jours un an auparavant. La proportion des « grands retards » (de plus de 30 jours) retrouve son niveau d’avant-crise sanitaire à 6 %.

En raison de leur taille réduite, les entreprises de traduction font partie des plus touchées par le dépassement des échéances de paiement, mais aussi de celles qui sont les moins bien informées de leurs droits et obligations en la matière. Tâchons donc d’y remédier…

Tour de vis législatif

Depuis le 1er janvier 2013, tout débiteur payant une facture après l’expiration du délai de paiement doit verser à son créancier une indemnité forfaitaire de 40 € en compensation des frais de recouvrement. Cette indemnité doit obligatoirement être mentionnée dans les conditions générales de prestation de service (CGPS) et sur chaque facture.

Les CGPS doivent également préciser les modalités d’application et le taux d’intérêt des pénalités dues en cas de retard de paiement. Ce taux, calculé sur le montant TTC de la facture, ne peut être inférieur trois fois le taux de l’intérêt légal, soit 12,66 % actuellement. Les pénalités sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire et elles sont applicables dès le jour suivant la date de règlement portée sur la facture.

L’Union européenne a encore renforcé ces principes : l’application de la directive 2011/7/UE plafonne le délai de paiement à 30 jours calendaires à compter de la date de réception de la facture dans tous les États membres, sauf disposition contraire acceptée par les deux parties et indiquée dans le contrat (ne pouvant cependant dépasser 60 jours). Dans le cadre de cette directive, le taux des pénalités de retard est fixé à 10 points minimum au-dessus du taux de refinancement principal de la Banque centrale européenne (0,25 % au 31 juillet 2023) ce qui représente à l’heure actuelle un taux minimum de pénalités de retard de 10,25 %.

Quelques astuces pour se faire payer

Peu au fait de leurs droits, les traducteurs hésitent aussi souvent à les faire valoir par peur de perdre leurs clients. Pourtant, statistiquement, plus vous attendez, moins vous avez de chances de recevoir votre dû. Sans compter que vous établissez un précédent dans votre relation avec votre client, risquant de l’encourager à pousser chaque fois un peu plus loin…

Nul besoin cependant de s’énerver, il suffit souvent de respecter quelques règles de bon sens pour faire valoir vos droits :

1. Rédigez minutieusement vos conditions générales de prestation de service (mention du délai de paiement et des pénalités de retard, clause pénale en cas de non-paiement à l’échéance indiquant la loi applicable) est un préalable indispensable. Dans tous les cas, une action corrective s’impose.

2. Incitez vos clients à vous payer rapidement en tentant de négocier des délais de paiement minimum ou le versement d’un acompte, et en appliquant des remises pour paiements anticipés.

3. Suivez de près les dates d’échéance de vos factures : instaurez un système de rappel ou utilisez des outils informatiques afin de relancer vos clients retardataires dès le premier jour de dépassement du délai de paiement. Ne tolérez aucun retard, mais allez-y progressivement : commencez par envoyer un e-mail de rappel au cas où ce serait un simple oubli, puis téléphonez en adoptant une position ferme et claire. Enfin, si rien n’y fait, passez à l’artillerie lourde (lettre en recommandé, pénalités de retard, menaces de procédures judiciaires, etc.).

4. En cas de non-paiement récurrent, essayez de comprendre ce qui coince. Est-ce un problème administratif (facture adressée au mauvais service, échéance pas clairement notifiée) ? Économique (client en difficultés financières) ? Apprenez cependant à repérer les prétextes et procédés abusifs employés par certaines entreprises pour retarder le paiement de leurs factures.

5. Pour éviter de connaître vous-même des difficultés de trésorerie, adoptez définitivement certains principes :  

  • N’acceptez aucun nouveau contrat d’un client ayant dépassé un délai de paiement.
  • En cas de gros projet pour un nouveau client, demandez une avance ou un paiement en plusieurs échéances.
  • Instaurez une comptabilité digne de ce nom et gardez toujours un œil sur votre trésorerie pour ne pas attendre trop longtemps avant d’agir.

Et vous ? Quels délais de paiement accordez-vous à vos clients ? Subissez-vous souvent des retards ? Partagez ici vos astuces pour faire valoir vos droits et vous prémunir contre les mauvais payeurs.

 

POUR ALLER PLUS LOIN

 

Portrait Gaële Gagné - 1

L'autrice

Gaële Gagné est traductrice indépendante depuis plus de 15 ans et dirige Trëma Lingua, une société proposant des services de traduction et de transcréation de l’anglais vers le français. Co-fondatrice de la plateforme Tradupreneurs, elle forme et conseille ses confrères et consœurs en marketing et gestion d’entreprise pour leur permettre de s'investir pleinement dans la sphère entrepreneuriale de leur activité.

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